Peut-on faire confiance à un dealer ? Que vaut la parole d’un escroc qui a fait 18 ans de prison (en cumulé) ? Mais un dealer est-il un commerçant ou un criminel ? Cela n’a pas torturé les éditions Nouveau Monde qui ont édité Gérard Fauré, auteur du Dealer du Tout-Paris. Il affirme ne lâcher qu’un vingtième des noms prestigieux qu’il a fournis pendant des années, pour la bonne raison que ceux-ci ne l’auraient pas « respecté ».
Gérard invoque les « cauchemars » en repensant à ces gens-là qui lui ont fait du mal. Faut pas non plus pousser mémé dans les orties, quand on deale, on ne chiale pas. C’est un métier qui peut être dangereux, sujet à tous les coups de balance, et objet de tous les coups de balance aussi. La preuve avec ce livre. Et puis la drogue chez les élites est un marronnier du même type que les couvertures sur les francs-macs dans Le Point, les reportages sur l’islamisme dans Valeurs actuelles ou les attaques anti-Soral et Dieudonné dans Libé.
« C’était un sauvage au niveau du sexe » (Fauré de Chirac)
Non, ce qui est intéressant dans ce témoignage, ce n’est pas que Chirac prenait 15G – on dit « gé » et pas gramme – par jour (100G par semaine, ça semble beaucoup pour un seul homme, même président), alors qu’un acteur français très populaire dans les années 90 était déjà considéré comme incontrôlable avec 4G dans le nez par jour. Ensuite, tout dépend de la pureté de la poudre : si c’est 10G de merde coupée à 90%, ça ne fait « plus » qu’un gramme de pure. Ou alors Chirac partageait. Mais le président était plutôt connu pour taper... ses amis milliardaires ! Et puis, selon le livre, Fauré avait « la meilleure coke du monde »...
On reprend : ce qui est intéressant dans ce témoignage, ce sont les informations sur le racket que subissait, selon Gérard Fauré, l’artiste français numéro un. Le livre de Bernard Violet sur Johnny raconte que la star a été bercée depuis son enfance par de grands marlous. Ensuite, le chanteur a « confié » sa sécurité au lieutenant d’un grand caïd de Marseille, nous en avons parlé ici. Comme toujours avec le Milieu, la frontière entre la protection et l’extorsion est floue et aisément franchissable.
Les faits étant aujourd’hui prescrits, ce que le pénaliste en plateau rappelle, Fauré et son éditeur ne risquent pas grand-chose à balancer sur les « tapeurs » du show-biz. Beaucoup d’observateurs, dont des consommateurs réguliers de cocaïne, en quelque sorte experts en la matière, se sont interrogés sur les sautes d’humeur et l’énergie farouche de plusieurs de nos ministres de l’Intérieur. À l’Intérieur, il semble que les narines soient bien pleines, mais ça peut être une légende, comme celle qui dit que le ministère de la Justice serait un repère de pédophiles : comprendre à travers ces légendes urbaines que c’est au cœur du Système que les grands criminels en col blanc seraient paradoxalement le moins en danger.
Aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas en 1986, date des faits relatés par Fauré, la consommation de drogue n’envoie plus tellement en prison. Il y a une tolérance de fait, les policiers ayant d’autres chats à fouetter que de simples consommateurs, qui s’éclatent comme ils veulent sans faire de mal à personne (sauf à eux-mêmes, mais le volet médical n’est pas l’objet de cet article). En revanche, les dealers, eux, se retrouvent souvent en taule, sauf s’ils rendent quelques menus services à la police. Le grand jeu du chat et de la souris tolère quelques entorses, si c’est pour le bien de la vérité ou de la justice.
Fauré balance aussi Pasqua, qui revient comme un mantra dans le bouquin, et qui aurait financé le SAC (service d’action civique, la milice gaulliste) avec l’argent de « gros braquages » – ce qui est montré dans le film Les Lyonnais d’Olivier Marchal mais sans qu’on puisse reconnaître le futur ministre de l’Intérieur de Chirac – et peut-être de l’héroïne corso-marseillaise, selon d’autres sources, mais moins fiables.
Toutes ces histoires de grosse came touchent évidemment le politique, mais pas dans le sens de quelques ministres ou présidents qui sniffent : cela touche des intérêts et des protections très élevés. La justice n’est pas épargnée, la police non plus. Et encore, on ne parle pas des coups monstrueux issus du braquage du siècle, celui de la taxe carbone. Nous y reviendrons...
Pour ce qui concerne le racket ou la protection de Johnny, il n’est pas le seul dans le show-biz à avoir eu un homme de main qui a fait le conducteur (de voiture, blindée ou pas), le porteur (de came, ça limite les problèmes) et le rabatteur (en général de filles). Deal de came, deal de sexe et protection armée vont souvent ensemble.
Au final, Gilles Verdez nous a bien fait rire quand il a rappelé sans relâche que la drogue c’était mal, que des enfants regardaient, que la cocaïne comme le haschisch étaient « interdits et dangereux », alors qu’il bosse à la télé, par exemple chez Hanouna, et qu’il sait bien que ceux qui ne consomment pas ne sont pas légion dans ce milieu.